

Partir... Roland Dorgelès - roman - "L'ancre est levée - Marseille était toute grise, le jour de mon départ. Les trottoirs étaient si luisants de pluie et les nuages si sombres qu'on eût dit, vraiment, que c'était la rue mouillée qui éclairait le ciel. Sur la Cannebière passaient des porteurs de couronnes qui descendaient vers le Vieux-Port. Des marchandes basanées, riant et parlant fort, les suivaient, chargées de bouquets, et des pétales jalonnaient leur route, le long des grands cafés, comme après une procession. Ainsi que chaque année, le Jour des Morts, elles aillaient fleurir le petit embarcadère du quai des Belges, où l'on prend le bateau pour le Château d'if. C'est une tradition que, ce matin-là, le kiosque se transforme en chapelle mortuaire et les veuves y viennent de la Joliette et de Saint-Lazare, qui sont les quartiers pauvres, avec des trôlées d'enfants, comme elles iraient au cimetière. Les touristes étonnés s'attroupent, les commères se mêlent aux nervis, et l'on admire les couronnes, on lit les inscriptions en lettes d'or sur les rubans : "Trépassés... Morts à la mer..." (...) Comme je m'approchais, poussé par la curiosité, j'aperçus devant l'embarcadère un homme jeune, trente ans au plus, de belle taille, qui s'était mêlé aux badauds. il avait le menton balafré et, grâce à cette cicatrice, je reconnus un passager qui, devant moi, la veille, discutait au guichet des Messageries. Nous allions voyager ensemble. Son air grave me frappa. Il regardait rêveusement les couronnes et, un chrysanthème s'étant détaché, il le ramassa et le repiqua à sa place, délicatement, comme il eût fait d'un ex-voto. Ce geste banal en fut-il la cause, je sentis la tristesse s'appesantir sur moi." éditions Albin Michel 1941. #Messageries Maritimes, #bateau Indochine, #fuite, #roman d'amour, #croisière 1930, #Indochine, #Port-Saïd, #Djibouti, #Ceylan, #Penang, #Singapour, #passagers Messageries Maritimes, #drame, #roman pas cher.
Partir... Roland Dorgelès - roman - "L'ancre est levée - Marseille était toute grise, le jour de mon départ. Les trottoirs étaient si luisants de pluie et les nuages si sombres qu'on eût dit, vraiment, que c'était la rue mouillée qui éclairait le ciel.
Sur la Cannebière passaient des porteurs de couronnes qui descendaient vers le Vieux-Port. Des marchandes basanées, riant et parlant fort, les suivaient, chargées de bouquets, et des pétales jalonnaient leur route, le long des grands cafés, comme après une procession. Ainsi que chaque année, le Jour des Morts, elles aillaient fleurir le petit embarcadère du quai des Belges, où l'on prend le bateau pour le Château d'if.
C'est une tradition que, ce matin-là, le kiosque se transforme en chapelle mortuaire et les veuves y viennent de la Joliette et de Saint-Lazare, qui sont les quartiers pauvres, avec des trôlées d'enfants, comme elles iraient au cimetière. Les touristes étonnés s'attroupent, les commères se mêlent aux nervis, et l'on admire les couronnes, on lit les inscriptions en lettes d'or sur les rubans : "Trépassés... Morts à la mer..."
L'après-midi, on entasse tout cela sur un vapeur, et, quand on est au large, on laisse glisser dans l'eau ces perles et ces fleurs que la vague disperse. C'est la suprême offrande aux marins qui ne sont pas revenus.
Comme je m'approchais, poussé par la curiosité, j'aperçus devant l'embarcadère un homme jeune, trente ans au plus, de belle taille, qui s'était mêlé aux badauds. il avait le menton balafré et, grâce à cette cicatrice, je reconnus un passager qui, devant moi, la veille, discutait au guichet des Messageries. Nous allions voyager ensemble. Son air grave me frappa. Il regardait rêveusement les couronnes et, un chrysanthème s'étant détaché, il le ramassa et le repiqua à sa place, délicatement, comme il eût fait d'un ex-voto. Ce geste banal en fut-il la cause, je sentis la tristesse s'appesantir sur moi."
Se souvenant de son voyage en Indochine en 1923, Roland Dorgelès évoque la traversée de Marseille à Saïgon sur un paquebot des Messageries maritimes. Il évoque les paysages croisés au fil des escales (Port-Saïd, Djibouti, Ceylan, Penang, Singapour). C'est surtout l'histoire d'un jeune homme, Jacques Largy.et de sa maîtresse Manon. Il fuit en réalité un meurtre qu'il a commis en France. Ne pouvant se résoudre à quitter Manon en débarquant à une escale d'où il aurait encore pu s'enfuir, Jacques finit par se faire arrêter à Singapour et se suicide en se jetant à la mer.
éditions Albin Michel 1941. #Messageries Maritimes, #bateau Indochine, #fuite, #roman d'amour, #croisière 1930, #Port-Saïd, #Djibouti, #Ceylan, #Penang, #Singapour, #passagers Messageries Maritimes, #drame, #roman pas cher.
Description : livre broché cousu, couverture souple, 313 pages, format 19 cm x 12 cm. bon état, signature manuscrite sur le deuxième plat de couverture.
Vous aimerez aussi